La Cour d’appel de Gand modifie sa position relative à la taxe sur les résidences secondaires à Koksijde : la taxe est jugée illégale car contraire au principe d’égalité

Le 6 février 2024, la Cour d’appel a rendu son arrêt dans l’affaire des résidents secondaires qui avaient obtenu exceptionnellement gain de cause en première instance. Presque toujours, les résidents secondaires sont déboutés par le tribunal de première instance de Bruges dans ces procédures. Cependant, le juge qui siège habituellement dans ces affaires était absent cette fois-là et fut remplacé par une collègue. Cette dernière avait  rendu un jugement déclarant la taxe communale illégale. Koksijde avait fait appel de ce jugement mais s’est vu finalement donner tort dans cette affaire.

La Cour juge maintenant que la réglementation fiscale de Koksijde sur les résidences secondaires viole le principe d’égalité et l’interdiction de discrimination prévus aux articles 10 et 11 de la Constitution. Le point de départ de la Cour dans ses arrêts du 31 octobre et du 21 novembre 2023 est réfuté de manière convaincante par les documents déposés par les résidents secondaires dans le cadre de la procédure. La Cour revient donc sur son opinion dans ces arrêts, qui avaient donné raison à la commune de Koksijde.  De nouveaux arguments, avancés par les résidents secondaires (qui ont comparu dans cette procédure sans l’assistance d’un avocat), ont amené la cour d’appel à revoir sa position.

La Cour d’appel a estimé que la justification utilisée par la commune de Koksijde dans le règlement fiscal, à savoir la protection de la vie résidentielle dans la commune, l’augmentation de la résidence permanente et l’attraction de nouveaux résidents, n’était pas raisonnable. Selon la Cour, cette justification de la commune n’est pas une raison pour considérer que les résidents permanents et les résidents secondaires ne sont pas comparables et pour exclure un test supplémentaire sur le principe d’égalité. La Cour constate donc que cette justification ne peut objectivement justifier l’instauration d’un régime fiscal différent entre les résidents permanents qui peuvent bénéficier du taux de 0 % de la taxe communale additionnelle à l’impôt des personnes physiques, d’une part, et les résidents secondaires soumis à la taxe de deuxième séjour, d’autre part.

L’arrêt du 6 février 2024 précise en outre que l’objectif de la commune de compenser les investissements qu’elle doit réaliser dans le logement social et abordable, compte tenu de la pression sur les prix du marché du logement causée par l’afflux de résidents secondaires et du fait qu’il n’y a pratiquement pas de logements disponibles sur le marché de la location résidentielle, n’est pas une justification suffisante pour faire payer la taxe aux seuls propriétaires de résidences secondaires.

L’argument selon lequel la taxe se justifie en tant que taxe forfaitaire de luxe sur l’utilisation d’un bien de luxe ne peut pas non plus convaincre, selon la Cour d’appel.

Enfin, l’arrêt déclare : “Les propriétaires de résidences secondaires font l’objet d’une discrimination. En effet, ils entrent dans le champ d’application de la réglementation fiscale alors que des personnes qui, compte tenu de l’objet même de la taxe, se trouvent dans une situation similaire, ne sont en fait pas soumises à une telle taxe”.

 

Résidents secondaires en Belgique : combien y en a-t-il en réalité ?

Pour autant que nous le sachions, personne ne connaît le nombre de résidences secondaires en Belgique. Pour la Région flamande, le Service d’études du gouvernement flamand a dressé la carte du nombre de résidences secondaires en Région flamande pour la dernière fois en 2016. L’étude distingue les résidences secondaires situées dans des campings ou des parcs de vacances, d’une part, et les résidences secondaires dans les zones d’habitation, d’autre part.

Les auteurs de l’étude ont compté pour la première catégorie (secondes résidences en camping, etc.) dans toute la Flandre 53 262 secondes résidences ou (en ce moment) 1,7% de l’ensemble des résidences. Le nombre le plus élevé de résidences secondaires dans les parcs résidentiels se trouvait bien sûr sur la Côte et plus précisément à Middelkerke, De Haan et Bredene, où l’on a compté entre 6000 et 7 000 résidences secondaires de ce type. Coxyde suivait avec plus de 2.000 de ce type de résidences secondaires. Nieuport, Knokke-Heist et La Panne en avaient entre 700 et 735. Huit communes non côtières avaient sur leur territoire également entre 700 et 1 000 résidences secondaires dans des parcs de vacances, à savoir Kasterlee, Lille, Berlare, Herselt et Lanaken, Bocholt, Stekene et Maaseik.

Pour la deuxième catégorie – les résidences secondaires dans des zones d’habitation, c’est-à-dire les maisons et les appartements – les auteurs ont compté (après de nombreuses corrections, par exemple pour exclure les chambres d’étudiants) 161 647 résidences secondaires en chiffres absolus pour l’ensemble de la Région flamande. Avec 18 001 habitants, Knokke-Heist était la ville qui possédait le plus grand nombre de résidences secondaires de ce type, c’est-à-dire des maisons ou des appartements. Toujours à la Côte, à Coxyde et Middelkerke, l’étude de 2016 recensait environ 12 000 résidences secondaires “ordinaires”, à Ostende plus de 10 000. Dans les autres communes côtières, leur nombre fluctuait entre 5 700 et 7 600. A cette époque, Bredene ne figurait que parmi les quinze premiers avec 1 056 résidences secondaires en zone d’habitation Ailleurs qu’a la Côte, les auteurs ont également découvert un grand nombre absolu de résidences secondaires dans quelques villes : Anvers arrive en tête avec près de 18 000 résidences secondaires ; Gand, Bruges, Courtrai, Hasselt et Malines suivaient avec entre 2 400 et 6 000 résidences secondaires. Le fait que ces villes figurent sur cette liste est en partie dû au fait que les personnes vivant à Anvers ou dans d’autres villes flamandes enregistrent leur domicile à Knokke-Heist ou dans une autre municipalité côtière.

Pour l’étude complète : cliquez ici. Nous ne savons pas si une étude similaire a déjà été réalisée pour la Région wallonne.

Fiscalité municipale côtière : quelle est l’ampleur du déséquilibre au détriment des résidents secondaires?

Les contribuables paient un impôt sur le revenu supplémentaire sur leurs revenus dans la municipalité où ils sont domiciliés. Le produit de cette taxe est versé à la commune. En Flandre, l’impôt supplémentaire sur le revenu des personnes physiques s’élève en moyenne à 7,2 % du revenu imposable.

Comme tout contribuable, les résidents secondaires paient un impôt supplémentaire sur le revenu des personnes physiques dans la commune de leur première résidence. Cependant, ils utilisent également les infrastructures et les services municipaux de la municipalité de leur seconde résidence. C’est pourquoi il est logique que les municipalités demandent également aux propriétaires d’une résidence secondaire de les aider à supporter les coûts.

Une répartition équilibrée de la charge entre les résidents domiciliés et les résidents secondaires est, bien sûr, essentielle.

Une ligne directrice intéressante concernant cet équilibre se trouve à la page 14 d’un « manuel sur les résidences secondaires » sur le site web de l’Agence flamande pour le logement et l’aménagement du territoire. (wonenvlaanderen.be) : “Afin de ne pas créer un déplacement de la charge fiscale vers les personnes qui ne sont pas inscrites dans les registres de population de la commune et qui ne sont donc pas habilitées à y voter, il est nécessaire que le taux appliqué soit raisonnablement proportionnel aux impôts payés par les habitants (en premier lieu l’impôt supplémentaire sur le revenu des personnes physiques et les suppléments de l’impôt foncier.

Il est donc intéressant d’examiner de plus près la relation entre la taxe municipale et la taxe de résidence secondaire dans les municipalités côtières. Cependant, ceci n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Les recettes fiscales des différentes taxes municipales devraient en fait être accessibles sur les sites web des différentes municipalités côtières. Malheureusement, on n’y trouve que peu d’informations pertinentes ( !). Heureusement, il y a des chiffres sur le site del’Agence flamande des affaires interieures. On y trouve entre autres des tableaux avec un aperçu des taxes et de leur produit de 2008 à 2018 pour chaque municipalité.

Sur la base de ces données, nous avons juxtaposé dans un premier tableau pour chaque commune côtière et pour l’année d’imposition 2018 le produit total de l’impôt supplémentaire sur le revenu des personnes physiques et le produit total de l’impôt sur la résidence secondaire. Veuillez toutefois noter que ce premier tableau ne tient pas encore compte du nombre de contribuables par commune. C’est pourquoi les chiffres sont les plus élevés dans les municipalités qui comptent de nombreux contribuables.

MunicipalitéRecettes de la municipalité provenant de la taxe sur les résidences secondaires (en millions d’euros) (2018) Recettes provenant de l’impôt supplémentaire sur le revenu des personnes physiques payable par les résidents domiciliés (en millions d’euros) (2018)Différence (de combien plus ou moins les recettes provenant de la taxe sur les résidences secondaires sont-elles élevées ?) (en millions d’euros) (2018)
De Panne5,862 0+5,862
Koksijde13,59 0+13,59
Nieuwpoort8,749 2,224 +6,505
Middelkerke8,746 3,447 +5,299
Oostende8,476 17,067 -8,591
Bredene *3,394 4,615 -1,221
De Haan*5,3222,910 +2,412
Blankenberge5,3024,308 +0,994
Brugge1,335 36,734 -35,390
Knokke14,662 0+14,662

* • Bredene et De Haan comptent une importante population de résidents secondaires dans les parcs de vacances et les terrains de camping. Pour ces municipalités, le produit de la taxe sur les terrains de camping et les séjours en camping a été ajouté aux chiffres de la taxe sur la seconde résidence. Pour d’autres municipalités, nous n’avons pas fait cela parce que cette population y est beaucoup plus faible.

Dans la majorité des municipalités côtières, le produit de la taxe sur les résidences secondaires est donc supérieur à la taxe municipale que les communes reçoivent de leurs propres résidents enregistrés. Toutefois, cela peut être dû au nombre élevé de résidences secondaires dans ces municipalités.

Nous avons donc pris en compte ce chiffre dans un deuxième tableau. Une première colonne indique le montant nominal de la taxe sur les résidences secondaires par unité d’habitation pour 2018. Dans le cas de taux différenciés pour différents types de résidence secondaire, nous avons opté pour la contribution due pour un studio utilisé comme résidence secondaire.

Dans la deuxième colonne, l’impôt supplémentaire sur le revenu des personnes physiques est divisé par le nombre de ménages domiciliés par commune (les chiffres sur le nombre de ménages se trouvent sur le site https://provincie.incijfers.be). De cette manière, il a également été possible de calculer l’impôt supplémentaire moyen sur le revenu des personnes physiques par résidence occupée par les domiciliataires.

MunicipalitéTaxe de résidence secondaire par unité d’habitation (en euros) (en 2018) Impôt supplémentaire sur le revenu des personnes physiques par séjour première résidence (moyenne en euros) (2018) Différence (combien plus ou moins un propriétaire d’une résidence secondaire paie-t-il ?) (en euros) (2018)
De Panne5750+575
Koksijde9700+970
Nieuwpoort890356+525
Middelkerke525362+183
Oostende1000468+532
Bredene 850563+286
De Haan500451+49
Blankenberge892403+489
Brugge1000671+329
Knokke7400+740

Ainsi, dans toutes les municipalités côtières, les propriétaires d’un logement utilisé comme résidence secondaire contribuent davantage aux finances municipales que les propriétaires de logements occupés par des ménages domiciliés dans la municipalité. En haut de la liste se trouve Koksijde, où les propriétaires de logements occupés par des ménages domiciliés ne paient rien du tout et où toutes les charges sont supportées par les propriétaires de résidences secondaires.

Comme on peut supposer que les résidents secondaires utilisent moins les infrastructures et les services que les résidents domiciliés, ces taxes ont donc créé un déplacement substantiel de la charge fiscale vers les personnes qui ne sont pas inscrites au registre de la population de la municipalité et qui n’ont pas le droit de vote.

Il est toujours possible de devenir un réfugié fiscal. Ailleurs sur le site web de TWERES, on trouve le rapport d’une étude publiée en 2016 par le service d’études du gouvernement flamand sur le nombre de résidences secondaires en Flandre. Ailleurs qu’a la Côte, les auteurs ont également découvert un grand nombre absolu de résidences secondaires dans quelques villes : Anvers arrive en tête avec près de 18 000 résidences secondaires ; Gand, Bruges, Courtrai, Hasselt et Malines suivaient avec entre 2 400 et 6 000 résidences secondaires. Le fait que ces villes figurent sur cette liste est en partie dû au fait que les personnes vivant à Anvers ou dans d’autres villes flamandes enregistrent leur domicile à Knokke-Heist ou dans une autre municipalité côtière.

Cependant, TWERES choisit d’engager le dialogue avec les municipalités côtières. S’il n’y a pas d’autre option, la voie judiciaire sera empruntée et si l’association comptera suffisamment de membres, nous pourrons essayer, tous ensemble, de persuader les politiciens de modifier les règlements applicables.

Question à propos de la vente d’un mobil-home : pourquoi l’exploitant du camping a-t-il automatiquement droit à un pourcentage du prix de vente pour chaque vente de mobil-home ?

Les propriétaires de mobil-homes, en application de leur contrat avec l’exploitant du camping, sont souvent obligés, lors de la vente de leur mobil-home (même s’ils le vendent à un autre propriétaire du même camping), de verser un pourcentage du prix de vente à l’exploitant du camping. Si la vente a été rendue possible grâce à la médiation du gestionnaire du camping, cela peut sembler justifié. Très souvent, cependant, l’exploitant du camping ne joue aucun rôle dans la vente. Dans ce cas, cet arrangement ressemble fortement à un enrichissement injustifié. Individuellement, les campeurs ne peuvent pas faire grand-chose à ce sujet. Avec TWERES, toutefois, nous pouvons agir ensemble pour des modèles de contrats équilibrés. Les conditions RECRON pour les emplacements permanents qui ont été élaborées pour les campings aux Pays-Bas en sont un exemple.

Restriction de la propriété des seconds résidents : proportionnelle en temps de Covid-19 ?

Fin avril, un article intéressant a été publié dans “De Juristenkrant” par un groupe de chercheurs en droit de la KU Leuven. Selon les auteurs, la recherche active et le renvoi des seconds résidents qui étaient déjà présents sur la Côte ne passaient pas les tests juridiques de la légalité et de la proportionnalité.

Selon l’article 7 de l’arrêté ministériel du 18 mars 2020, les déplacements non essentiels furent interdits. En outre, l’article 8, paragraphe 1, stipulait que les personnes devaient rester chez elles et qu’il était interdit de se trouver sur la voie publique et dans les lieux publics, sauf en cas de nécessité et pour des raisons urgentes. En l’absence d’un déplacement, les autorités ne pouvaient pas invoquer l’article 7 pour renvoyer les résidents secondaires et les expulser de leur propriété. En outre, en retournant à leur premier lieu de résidence, une personne qui fut renvoyée se retrouvait sur la voie publique sans aucune raison nécessaire et urgente et se rendait coupable d’un déplacement non essentiel. Cela constituait donc une violation des articles 7 et 8.

Une deuxième incertitude concernait l’interprétation de l’article 8, qui stipulait que les personnes devaient rester « chez elles »… Cependant, le terme “chez elles” n’avait pas été défini. En l’absence de définition dans l’arrêté ministériel, une seconde résidence pouvait également être considérée comme « chez soi », du moins au sens large du terme. Les chercheurs notent également qu’avant la proclamation de l’interdiction, les citoyens auraient dû avoir le choix du lieu où ils préfèreraient séjourner, tout comme les étudiants ont eu la possibilité de le faire. En tout état de cause, selon les juristes, la rigueur avec laquelle la mesure a été appliquée pouvait être mise en doute. Dans certaines municipalités, par exemple, des contrôles de police à grande échelle ont été mis en place, des “visites à domicile” ont été effectuées et des drones équipés de caméras thermiques ont été déployés. Selon les auteurs, la proportionnalité de ces mesures – qui traitent les résidents secondaires comme s’il s’agissait de gibier chassé – est difficile à justifier.

Cliquez ici pour le texte complet en Néerlandais.

Conclusion de l’avocat Van Steenbrugge : “Les mesures contre le coronavirus ne doivent pas porter atteinte à l’État de droit”.

La crise du coronavirus a incité le gouvernement à prendre des mesures urgentes et de grande envergure dans le cadre de notre sécurité, de notre santé et de notre bien-être. Notre première impression : pas de problème, pourvu que ces mesures aideront, espérons-le, à combattre et à vaincre le virus. Toutefois, certaines de ces mesures restreignent nos libertés fondamentales et les violent même de manière flagrante et inadmissible. Le sens de la justice du penseur critique commence à le ronger et le pousse à se rebeller. Allons-nous observer et supporter aveuglément toutes les mesures, ou osons-nous encore mettre en doute leur proportionnalité et les motifs qui les sous-tendent ?

Pour lire le texte intégral – en Néerlandais – cliquez ici

A lire sur le site des avocats de GDENA (11 mai 2020) : Les mesures COVID et les droits de propriété semblent être en contradiction. (Certains) maires de communes côtières ont-ils un argument ?

L’interdiction de passer le confinement dans une résidence secondaire à la Côte (ou dans les Ardennes) a suscité beaucoup d’émoi. L’industrie hôtelière et les commerçants locaux tirent la sonnette d’alarme. Ils indiquent qu’il n’est pas très logique d’autoriser l’ouverture de leurs magasins tandis que leurs principaux clients ne sont pas autorisés à venir. Les vacanciers sur la Côte génèrent un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros, dont 1,1 milliard est généré par les résidents secondaires. Ils représentent 13,6 millions des 30 millions de nuitées sur la côte.

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